Canicule : eau et électricité, responsabilité des maires




L’alerte canicule a été lancée sur l’ensemble de la France. En période de climats extrêmes, l’accès aux services publics de l’eau et de l’électricité, deviennent des problèmes majeurs pour les habitants de résidences mobiles. Le point sur les responsabilités juridiques et humaines des élus et des usagers

En période de climat extrême, la question de l’accès à l’eau et à l’électricité pour les habitants de caravanes prend une importance particulière. De très nombreuses familles de voyageurs comprennent des personnes de santé fragile, âgées ou de très jeunes enfants ou des malades. Au-delà des considérations culturelles, l’habitat en résidence mobile facilite la cohabitation des générations. Selon ses moyens, chacun dispose de sa caravane, de son camping-car ou d’un camion aménagé.

Un habitat souple mais difficilement autonome des services publics

Cette souplesse des conditions d’habitat évite en grande partie les problèmes d’isolement et de promiscuité. Ainsi les différentes composantes de la famille peuvent habiter ensemble. Les plus anciens ou les malades passent un temps plus ou moins long avec tel ménage de leurs enfants ou de leurs amis.  Plus faciles à chauffer en hiver et à climatiser en été que des logements classiques, en raison de la taille réduite des pièces, les résidences mobiles ont néanmoins besoin d’électricité et d’eau potable pour être des lieux de vie dignes et décents. Mais, si tous les habitats fixes, qu’ils soient insalubres ou luxueux, occupés légalement ou sans droit ni titre, ne rencontrent en général aucun obstacle pour un raccordement à l’eau et l’électricité, il n’en va pas toujours de même pour les résidences mobiles. Les raccordements tarifés aux réseaux d’eau et d’électricité, même provisoires, sont l’occasion de multiples conflits avec les élus locaux et les opérateurs liés à ces services publics. Dans les cas de climats extrêmes, l’urgence est un facteur déterminant qui peut mettre la vie d’une personne fragile en péril et engager la responsabilité pénale des opérateurs de services publics et/ou des élus.

Que dit la loi ?

L’eau

« L’usage de l’eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous », affirme la loi sur l’eau du 30 décembre 2006.  Une récente proposition de loi préconise de préciser la notion de « conditions économiquement acceptables par tous », en fixant un seuil de 3% des ressources annuelles des personnes concernées. (http://www.depechestsiganes.fr/?p=4333)

L’électricité

L’arrêt du Conseil d’Etat N° 261521 Caumont sur Durance du 9 avril 2004, fait toujours autorité Conseil d’Etat Caumont sur Durance . Il annule le refus d’un maire de raccorder une caravane faisant par ailleurs l’objet d’un litige vis-à-vis des règles d’urbanisme, en s’appuyant sur le caractère d’urgence, eu égard aux conditions de vie des habitants.

Le principe juridique s’avère très clair : quel que soit le litige, tant que celui-ci n’est pas tranché, un raccordement électrique provisoire aux frais des personnes concernées ne peut être refusé ou empêché.

En cas de litige quant à l’installation de résidences mobiles le maire ou le propriétaire du site dispose d’un arsenal de procédures pouvant éventuellement aboutir à une évacuation forcée et à mettre fin au raccordement provisoire. (Lisez notre dossier : Danger électricité http://www.depechestsiganes.fr/?p=486)

Outils de gestion : compteurs forains, contrats et conventions

En attendant le règlement d’éventuels litiges d’urbanisme ou de stationnement, l’élu en charge de l’hygiène et de la sécurité des personnes disposent de multiples outils permettant de gérer les situations. Le branchement de compteurs forains sécurisés, mis à la charge financière des usagers, représente la meilleure protection contre les nuisances des groupes électrogènes et les dangers des branchements de nécessité dits « sauvages ». (Voir pour en savoir plus Branchements sauvages, légalité et responsabilité du maire).

Le branchement sécurisé donne lieu à un contrat commercial entre l’opérateur et l’usager faisant porter sur celui-ci la charge financière et les responsabilités en cas d’usage dangereux. Il peut être renforcé par une convention d’occupation temporaire avec la collectivité. Celle-ci encadre l’ensemble des conditions de stationnement. (La loi et les groupes de gens du voyagehttp://www.depechestsiganes.fr/?p=2709). Faute de ces précautions, la responsabilité pénale de qui ?peut être engagée.

Mise en danger de la vie d’autrui : responsabilité pénale des élus et des opérateurs

Article 121-3 du code pénal précise : Code pénal – Article 121-3 _ mise en danger « Il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui. S’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ». En cas de décès ou de conséquences graves pour une personne, si la mise en danger est avérée, les peines peuvent aller de 3 à 5 ans d’emprisonnement et de 45 000 à 75 000 € d’amende. »

L’opérateur de service public se trouve en première ligne

L’agent qui refuse un branchement provisoire doit prendre la précaution de faire valider la décision par sa hiérarchie et d’en informer son assureur professionnel et les organisations syndicales. En cas de drame, la responsabilité professionnelle de l’agent est en cause dans la mesure où il commet une faute en mettant en œuvre une décision illégale.

L’élu mal protégé

Même s’il est de fait le donneur d’ordre, l’élu ne peut être mis en cause que de manière indirecte. Etant responsable de l’hygiène et de la sécurité des personnes présentes sur le territoire de la commune, il est impliqué. Même en ayant engagé des procédures pour mettre fin à un éventuel litige avec des habitants de caravanes, et en attendant le règlement de l’affaire, il doit veiller à ce que ses administrés  – même temporaires – bénéficient des droits qui protègent leur sécurité.

Le risque pénal est faible, mais néanmoins de plus en plus d’actualité

A notre connaissance aucun élu n’a pour l’instant été condamné au pénal pour avoir privé des voyageurs d’électricité. Cependant, certains employés d’entreprises gestionnaires d’aires d’accueil ou d’opérateurs d’électricité ont pu connaître des difficultés professionnelles, suite à des décisions de justice condamnant leur employeur. La plupart des affaires traitées par la justice ne vont pas au pénal, pour l’instant… Mais, selon l’expérience de l’ANGVC, les opérateurs (et, le cas échéant, les élus cités par eux) sont très souvent condamnés en référé pour leur refus de raccordement provisoire.

Paradoxalement victimes de la défaillance des pouvoirs publics, les voyageurs prennent cependant toutes les mesures  pour éviter des drames. Ceux qui en ont les moyens utilisent des groupes électrogènes. Cependant, beaucoup ne peuvent se permettre un tel investissement. Ils  n’ont souvent pas la volonté de s’engager dans des procédures afin de faire valoir leurs droits. Ils ne connaissent par ailleurs que très peu d’avocats compétents en la matière, mais ils disposent d’autres moyens d’action.

Effet boomerang

De plus en plus les associations utilisent leurs réseaux  au sein  des collectivités pour informer des mauvaises pratiques et des condamnations d’opérateurs. Certains acteurs, voyageurs ou associations, n’hésitent pas à alerter les élus d’opposition, les mouvements de défense des quartiers ou de l’environnement ou les associations de défense des intérêts des contribuables. Ainsi, pour un simple refus de raccordement provisoire de caravanes à l’électricité, un élu peut devenir la cible de multiples attaques.

Les dangers des branchements dits sauvages : responsabilité du maire

Faute de raccordement sécurisé au réseau d’électricité de très nombreux voyageurs passent à l’acte. Ces branchements spontanés peuvent se révéler extrêmement dangereux, déboucher sur des incendies et entraîner des coupures de courant pour des quartiers entiers. Lorsqu’au préalable ils ont effectué les démarches auprès de l’opérateur et/ou de la collectivité et essuyé un refus dont la légalité est discutable, le vol d’électricité devient difficilement condamnable.

« Lorsque, faute pour une personne ou un groupe de personnes de pouvoir concrètement bénéficier des droits reconnus par la législation les intéressés sont contraints, en vue de satisfaire leurs besoins, d’adopter des comportements répréhensibles. Cette seule circonstance ne peut être regardée comme de nature à justifier n’importe quelle sanction ou voie d’exécution à leur encontre, ni la poursuite de la privation des droits qui leur ont été reconnus », explique en juin dernier, le Comité de la charte sociale européenne dans une décision contre la France. http://www.depechestsiganes.fr/?p=3817.

Les responsabilités en cas de drame ou de préjudice sont alors à déterminer entre les différents acteurs. L’élu a la sienne en refusant l’accès à un droit fondamental, contraignant ainsi  un usager à commettre un acte répréhensible dans l’urgence.

 
 



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