L’expulsion administrative des gens du voyage viole la Charte sociale européenne



Statuant sur une réclamation du Forum européen des roms et gens du voyage, le Comité européen des droits sociaux a constaté que la France violait par 6 fois  la Charte sociale Européenne. Même le Conseil constitutionnel n’échappe pas à la censure des gardiens de la Charte qui jugent les évacuations forcées prévues par l’article 9 de la loi Besson sont en contradiction avec le traité de la Charte pourtant ratifié par la France.

 

Dans une décision du mois de janvier dernier, discrètement rendue publique en juin, le Comité de la Charte sociale européenne du Conseil de l’Europe, constate six violations de la Charte tant à l’égard des Gens du voyage qu’à l’égard des rroms migrants, roumains et bulgares. Forum ERGDV vs France Dans sa réclamation, le Forum européen des Rroms et Gens du voyage avait pris soin de distinguer les situations des deux populations. Cet effort de clarté a certainement facilité la tâche du Comité qui a pu aborder des questions de fond.

 

Le Conseil constitutionnel rappelé à l’ordre

Le rappel à la loi du Conseil constitutionnel, au sujet des procédures d’expulsion administrative des gens du voyage, prévues dans l’article 9 et 9-1 de la loi Besson, est l’évènement marquant de cette décision. Rappelant que lors de sa décision du 9 juillet 2010 (QPC n°2010-13), le Conseil constitutionnel n’a pas statué sur la conformité de sa décision avec la Charte qui s’impose au droit national, les magistrats européens concluent à une violation de la Charte par l’article 9 et 9-1 de la loi Besson.

« Le Comité estime que, en pratique, l’exécution de la procédure d’évacuation contestée expose davantage que quiconque les gens du voyage au risque de devenir sans abri parce que les conditions de stationnement régulier sont par trop limitées, et que, par conséquent, un logement tenant compte de leur mode spécifique d’habitat ne leur est pas offert. Le Comité dit, par conséquent que l’exécution de la procédure d’évacuation forcée régie par les articles 9 et 9-I de la loi du 5 juillet 2000 est contraire à l’article E combiné avec l’article 31§2 de la Charte ».

Concrètement, le Comité de la Charte appelle tous les acteurs du droit français compétent en la matière à appliquer directement le traité des droits sociaux signé par la France, qui s’impose sur les textes nationaux. « Il ne rentre pas dans les attributions du Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité des lois avec les traités internationaux. Mais ceux-ci s’imposent aux juges lorsqu’ils peuvent démontrer que la Charte est assez précise pour s’appliquer. La décision du Comité de la Charte a la valeur d’une jurisprudence sur laquelle le Conseil d’Etat, pour les juridictions administratives, ou la Cour de cassation peuvent fonder leurs décisions », explique régis Brillat, secrétaire exécutif du Comité de la Charte.

Elus et Préfets appelés à la prudence

En d’autres termes cette décision rappelle aux préfets et aux élus, qui engagent des procédures administratives d’évacuation forcée, qu’ils violent un traité international et qu’ils sont susceptibles d’être condamnés. Néanmoins, le risque est relativement faible. Il faudrait en effet que les victimes s’engagent dans de très longues procédures aboutissant dans les instances ultimes. Mais leur responsabilité politique et morale est, elle, immédiatement engagée. De fait, jusqu’à présent, les recommandations du comité de la Charte sont rarement écoutées. En effet,  la réclamation du Forum européen des Rroms et Gens du voyage portait sur des points déjà abordés dans des décisions précédentes et qui n’ont pas connu de grands effets. Au-delà de l’ensemble des violations liées au statut spécial des gens du voyage, l’ONG alertait sur la situation des Rroms roumains et bulgares déjà évoquée lors d’une décision  rendue publique le 10 novembre dernier.

 



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