Encore des amalgames entre Rroms et Voyageurs



Point de repère : une nouvelle fois, les polémiques autour des « campements rroms » donne lieu à des amalgames entre des rroms, bénéficiant du droit commun  et  gens du voyage soumis à un statut spécial (loi du 3 janvier 1969, et loi du 5 juillet 2000). Sujet de nombreux débats ces confusions brouillent la perception de réalités très différentes. Plus graves  elles avivent les tensions entre des voyageurs et des rroms migrants. Clarification nécessaires…


Une nouvelle fois tout se mélange ! Rroms et gens du voyage se trouvent associés aux idées de campements, de misère et d’expulsion du territoire. Qu’importe que nul pouvoir ne puisse légalement conduire au-delà des frontières des gens du voyage, citoyens français. Le voudrait-il que ces Français auxquels est imposé un statut spécial, seraient refoulés car leurs titres de circulation ne sont reconnus par aucun autre Etat.  Qu’importe que seuls environ 3% des Rroms vivent dans des campements en France. Qu’importe que ces familles rroms en grande précarité ne forment qu’une infime minorité des habitants de squats et de bidonvilles. Qu’importe que la très grande majorité des Rroms vivant en France sont citoyens français depuis de nombreux siècles, ils restent assimilés à des étrangers. Toute cette confusion, parfois alimentée par des textes officiels, nourrit des préjugés et empêche de saisir des réalités relativement faciles à comprendre à partir de critères objectifs.

Le sens des mots

Les  Rroms

Les Rroms eux-mêmes se définissent par référence à une série d’indices, parmi lesquels le plus important est la langue rromani. Cette langue parlée par la majorité des Rroms comme première langue est reconnue par les autres comme une référence historique et identitaire. Face à la multitude des définitions des rroms, le critère de la langue reste le moyen objectif de définir de qui l’on parle exactement.

Détail : Rroms avec 2RR et Rom avec 1 R

Tiré de la grammaire rromani l’orthographe avec 2 RR  diffère de la forme la plus courante avec un R. Ce simple moyen graphique permet de signaler si l’on parle d’un RRom réel quelque soit sa classe sociale, son mode de vie, ses opinions, ou si l’on tient un discours partisan sur les Roms fondé sur l’une des multiples définitions développées par différents acteurs.

Pour en savoir plus : Institut national des langues et civilisations orientales

http://www.inalco.fr/ina_gabarit_rubrique.php3?id_rubrique=47

Une myriade de définitions contradictoires

Chaque institution internationale, chaque Etat, chaque parti politique, chaque école de chercheurs universitaires, possède sa propre définition de ce que sont et devraient être les rroms. S’appuyant sur telle ou telle hypothèse historique, ethnologique, anthropologique ou religieuse, elles donnent des contours restreints ou très large ou très restrictifs de  l’ensemble rrom.  Pour les uns ne seraient rroms que les descendants directs de tel groupe conservant telle coutume. Pour les autres tout individu marginalisé par choix ou par nécessité serait assimilé aux rroms. Ces définitions évoluent rapidement. Dans son glossaire terminologique, le Conseil de l’Europe précise : « Il est important de souligner que la terminologie employée dans ce domaine par le Conseil de l’Europe a considérablement varié depuis le début des années 1970 » glossaire-terminologique-ROMS-révisé-décembre-20101

L’Union Rromani internationale a explicité sa conception de l’identité en général, est explicité dans la proposition d’un statut-cadre des Rroms dans l’Union européenne (lien : http://www.rroma-europa.eu)Statut cadre

La reconnaissance de l’identité rromani ainsi définie par les intéressés eux-mêmes, en de hors de toute référence à la classe sociale, au mode de vie, aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses est une voie efficace pour lutter contre les préjugés. Elle permet en effet de tenir compte de l’extrême variété des situations vécues par des Rroms, qui pratiquent diverses modes de vies évoluant constamment. Comme toutes les autres populations du monde, les Rroms expriment leur culture de manières multiples.

 

Les gens du voyage

A travers la formule « Roma and travelers », le Conseil de l’Europe, cherche à ne pas assimiler les Rroms aux gens du voyage. L’institution, qui couvre 47 pays constate que dans les Etats d’Europe de l’Ouest (Irlande, Grande Bretagne, France, Belgique, Suisse, Italie…), une partie des Rroms pratiquent des modes de vie itinérants. Dans ces pays se rencontrent donc plusieurs catégories de Rroms, vivant des situations très différentes les unes des autres. En France une approche schématique permet de repérer quatre cas de figures.
 

 

Schéma des rroms vivant en France : placo désigne les « campements ». Tous les autres ensembles désignent des citoyens français ou des migrants en situation régulière. Source M Courthiade



Les différents statuts des Rroms et Voyageurs en France

1 Les Rroms citoyens français de plein droit, non soumis au statut spécial des gens du voyage

Ils sont de loin les plus nombreux, ayant participé à l’histoire du pays depuis de nombreux siècles. Si la majorité ne pratique pas ou plus l’itinérance, de nombreuses familles pratiquent ce mode de vie moins de six mois dans l’année et ne sont donc pas soumis au statut spécial des gens du voyage. Néanmoins, ils subissent des discriminations de fait, liées à leur origine et aux préjugés qui s’y attachent.

2 Les rroms migrants dits classiques

D’origines espagnoles, portugaises, italiennes, d’Europe centrale et orientale, à travers les 19ème, 20ème et 21ème siècles, des Rroms ont comme leurs voisins non-rroms émigré pour des raisons économiques ou politiques. Nombre d’entre eux, y compris des Roumains et des Bulgares, se sont insérés dans le pays et se trouvent en situation régulière avec des emplois et des logements. Beaucoup ont acquis la nationalité Française.

 

3 Les Rroms migrants Roumains et Bulgares en situations précaires

Ils sont de loin les moins nombreux, mais les plus visibles et se trouvent au cœur de la plupart des polémiques. Ils sont estimés à 15 000 personnes à peine. Comme ils sont considérés uniquement sous l’angle de la précarité, notamment en matière de logement, ce chiffre tient compte aussi des citoyens Roumains et Bulgares non-rroms qui vivent en la même précarité.

 

4 Les gens du voyage français

Selon la loi, sont « gens du voyage » ceux qui n’ont ni domicile ni résidence fixe pendant six mois en cours d’une année. Par conséquent, la plupart des « gens du voyage »  ne sont pas Rroms, mais subissent les conséquences des préjugés visant ceux qu’on considère comme « tsiganes » en général et plus particulièrement les Rroms migrants en situations précaires. En plus des discriminations liées à leur assimilation avec les Rroms migrants et précaires, ils sont soumis depuis 1912 à un statut spécial (lien http://www.voyageurs-citoyens.fr/)

Statut spécial des gens du voyage

Le droit français prévoit de fait pour les citoyens français deux statuts :

Celui de citoyen de plein droit, qui concerne la grande majorité de la population et défini par l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958. « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion », lisez la Constitution conseil-constitutionnel-5074.

Celui des personnes sans domicile stable circulant plus de 6 mois dans l’année

Instauré le 16 juillet 1912, le statut des nomades a été modifié le 3 janvier 1969. Par ailleurs la loi du 5 juillet 2000 encadre l’accueil et l’habitat des gens du voyage définis comme étant les personnes soumises à la loi du 3 janvier 1969 et vivant dans des résidences mobiles terrestres.

La loi de 69 impose des dispositions spéciales :

Elle restreint les droits civiques : le droit de vote ne peut être exercé qu’après 3 ans d’inscription sur les listes électorales

Elle impose sous peine d’amende la possession de titres de circulation : Différents des cartes nationales d’identité, les titres de circulation doivent être régulièrement visés par les forces de l’ordre.

Elle donne pouvoir aux maires et au préfet de sélectionner ces administrés soumis à ce statut spécial : Sur avis du maire et dans les limites d’un quota de 3%, le préfet désigne une commune de rattachement. L’adresse de la mairie sera alors inscrite sur les titres de circulation et sur les cartes d’identité.

Un impôt supplémentaire : bien que la résidence mobile terrestre (RMT), ne soit pas considérée comme étant un logement ouvrant droit aux aides sociales, elle est soumise depuis 2011 à un impôt spécial (jamais encore appliqué) (http://www.depechestsiganes.fr/?p=1258)

Exclusion du droit commun du logement

L’article 9 de la loi du 5 juillet 2000, introduit depuis 2007, une procédure administrative d’évacuation forcée des gens du voyage. Contrairement à tous les autres litiges concernant le logement, le recours à une décision de justice n’est pas obligatoire. Si les personnes visées par un arrêté d’expulsion ne déposent pas de recours devant le tribunal administratif, le préfet peut procéder à une évacuation forcée.



 
 



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